N° 05/30 | Jeux de mains, jeu de chirurgiens
Transplanter la main d’une personne sur le bras d’une autre n’est pas le jeu d’un Docteur Frankenstein des temps modernes. Non. C’est une première mondiale dont l’hôpital Edouard-Herriot a été le théâtre. Un exploit qui permet aux amputés de retrouver une vie sociale. Le 23 septembre 1998, cette opération inédite a été un succès grâce à la dextérité sans pareil d’une équipe internationale de la microchirurgie, supervisée par le chef du service de transplantation de l’hôpital, le professeur Jean-Michel Dubernard, un des pionniers mondiaux de la greffe.
Première mondiale Made In Lyon
La réimplantation d’un membre provenant du patient lui-même était une technique déjà courante il y a près de 25 ans. Un orteil pour remplacer un doigt manquant par exemple. Mais en 1998, c’était bien la première fois au monde qu’on greffait une main provenant d’un donneur décédé. L’opération a duré 14 heures, avec une équipe de 25 personnes. Quatorze heures de minutie et de maestria pour une prouesse chirurgicale : effectuer des milliers de micro-sutures des artères et des veines, des nerfs et des tendons, des muscles et de la peau, après avoir raccordé la main du donneur anonyme avec l’avant-bras du patient. Clint Hallam – c’est son nom – est néo-zélandais. Il a 48 ans et a perdu sa main en manipulant une scie circulaire près de 10 ans auparavant, en 1989. Il a bien réagi à l’opération et va bien. À peine deux semaines après, il réussit déjà à bouger ses nouveaux doigts. Mais l’histoire retiendra que Clint Hallam réclama plus tard qu’on lui retire cette main étrangère, qu’il ne supporte plus.
Nouvel exploit à Lyon : la première double greffe des mains en 2000
Suite à ce rejet “psychologique”, la greffe unilatérale de main est suspendue en France. Cela n’a pas empêché Jean-Michel Dubernard de poursuivre sa mission, lui qui a reçu en 2008 le prix Medewar, pour sa contribution exceptionnelle dans le domaine de la transplantation. « Ma seule motivation, c’est de faire avancer la médecine, dit-il. Je le fais pour mes malades. Avec son équipe, Jean-Michel Dubernard réalise une nouvelle première mondiale le 13 janvier 2000 : la double greffe bilatérale des mains et des avant-bras, toujours à l’Hôpital Edouard-Herriot. Denis Chatelier avait eu les mains déchiquetées en 1996 en maniant une fusée artisanale. Aujourd’hui, 20 ans après l’opération, ses mains fonctionnent très bien. « Ces mains sont devenues les miennes », affirme-t-il.
La renommée de l’école lyonnaise de la transplantation
L’expertise de Lyon dans le domaine de la transplantation est reconnue, à l’heure de la récente disparition de Jean-Michel Dubernard en juillet 2021. Cette renommée internationale avait d’ailleurs conduit un électricien islandais, Félix Gretarsson, à exposer son cas au Professeur Dubernard, lors d’une conférence à Reykjavik en 2007, puis à déménager à Lyon en vue d’une greffe. Il avait été profondément brûlé en 1998 en recevant une décharge de 11 000 volts alors qu’il travaillait sur une ligne à haute tension. Félix Gretarsson a finalement été opéré au tout début de cette année 2021. Une nouvelle réussite de l’école lyonnaise de transplantation et une nouvelle première mondiale, puisqu’il s’agit de la première greffe des deux bras au niveau des épaules.
Pour aller plus loin :
- La greffe de la main à Lyon annoncée sur le journal d’Antenne 2 en 1998, Greffe de la main à Lyon – Vidéo Ina.fr
- Les remerciements de Felix Gretarsson après sa greffe Greffe des 2 bras : Felix Gretarsson remercie les équipes – HCL – YouTube