N° 29/30 | C’est pas la taille qui compte : l’attirance est magnétique
Vous pensez que le plus puissant aimant est forcément le plus gros ? Eh bien, non ! À Grenoble, après avoir construit des aimants toujours plus gros et puissants pour des champs magnétiques records, les chercheurs ont ouvert la voie à une révolution technologique qui permettra de concevoir des aimants entièrement supraconducteurs plus puissants, mais plus petits que les aimants actuels.
Des aimants pour comprendre la matière
Les champs magnétiques intenses permettent d’étudier les propriétés et le comportement de la matière, d’où leur grande utilité en physique fondamentale, mais aussi en chimie ou en biologie. Plus le champ est élevé, plus l’analyse des phénomènes est fine. Cette recherche fondamentale, utilisant les champs magnétiques intenses, a de nombreuses applications, dont les plus connues sont l’imagerie médicale ou la fusion nucléaire.
À Grenoble, un équipement unique au monde
Au Laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI) de Grenoble, on fabrique des aimants depuis 1960. À l’époque, les premiers champs continus ou statiques, ceux dont la valeur est constante, sont de quelques teslas seulement. Mais le laboratoire progresse rapidement. En 1970, des champs de 15 à 20 T sont atteints. 25 T en 1982. Puis en 1987, un record du monde tombe avec 31,35 T ! Aujourd’hui, le laboratoire construit un aimant hybride de plusieurs tonnes, associant un électroaimant supraconducteur externe et un bobinage interne en alliage de cuivre, dit résistif, capables de générer, ensemble, un champ magnétique de 43 teslas ! Des équipements uniques au monde qui attirent des chercheurs des quatre coins du globe pour y réaliser leurs expériences. C’est d’ailleurs ici qu’en 1980, Klaus von Klitzing a découvert “l’effet Hall quantique entier”, pour lequel il obtint le prix Nobel de physique. En 2015, le LNCMI cofonde le Laboratoire européen des champs magnétiques (EMFL) pour regrouper les équipements générateurs de champs de laboratoires français, allemand et néerlandais.
Une révolution s’annonce
S’ils ne tiennent toujours pas sur le frigo, de nouveaux aimants révolutionnaires pourraient s’en approcher. L’aimant NOUGAT est de cette génération. Les aimants classiques hybrides sont des monstres de consommation énergétique que la technologie limite à des seuils de 45 T. En effet, au-dessus de 23 T, les supraconducteurs traditionnels cessent de fonctionner, il faut donc leur associer un cœur plus classique avec une bobine en alliage de cuivre. En collaboration avec d’autres laboratoires, le LNCMI s’attèle à lever cette limite. Pour cela, il emploie des supraconducteurs d’un nouveau type, dit à haute température, conservant leurs propriétés à des températures plus élevées (- 240 C° tout de même…) que les supraconducteurs classiques. De plus, une nouvelle technique d’isolation a été développée, avec des disques métalliques où s’insèrent les lamelles extrêmement fines de supraconducteurs. Un verrou technologique a ainsi été levé. En 2019, NOUGAT a atteint 32,5 T, établissant alors un nouveau record mondial et validant la possibilité d’aimants de champ continu jusqu’à 50 T, stables, plus légers et moins gourmands en énergie.
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