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N° 18/30 | L’histoire du climat se lit dans les bulles d’air de la banquise

L’histoire lui a donné raison. Claude Lorius avait démontré, dès la fin des années 1980, que les rejets de CO2 dans l’atmosphère par les activités humaines étaient responsables du dérèglement climatique. Cette preuve du lien entre climat et gaz à effet de serre, il l’a trouvée dans les glaces de l’Antarctique. 

La mémoire du globe dans des carottes de la calotte glaciaire

Cette formidable intuition est née en Terre Adélie. « Un soir, au retour d’un forage, j’ai mis un glaçon vieux de plusieurs milliers d’années dans mon verre à whisky et j’ai vu s’échapper des bulles d’air à mesure que la glace fondait… J’ai imaginé que ce gaz pouvait être un témoin de l’atmosphère du passé, » se souvient Claude Lorius, longtemps à la tête du Laboratoire de glaciologie et géophysique de l’environnement à Grenoble. « l’Antarctique contient les archives du climat et de l’atmosphère terrestre, un trésor qui n’existe nulle part ailleurs, » explique le premier lanceur d’alerte sur le changement climatique. Il entreprend alors d’extraire des carottes de la calotte glaciaire antarctique pour remonter le temps.

Un cycle climatique complet révélé

Il recherche des sites susceptibles de couvrir les plus longues périodes de temps possible. Ainsi est identifié le Dôme C. Dans les années 1970, il fore jusqu’à 900 mètres, soit l’équivalent de 40 000 années de chutes de neige superposées. Déjà, il y distingue les traces de la dernière période glaciaire, qui s’est terminée 20 000 ans plus tôt, et celles de la période chaude que nous connaissons aujourd’hui. Dix ans plus tard, sur la base de Vostok, Claude Lorius analyse des carottes de glace extraites sur 2 000 mètres de profondeur, correspondant à 160 000 ans d’histoire : un cycle climatique complet ! C’est là qu’il montre que l’évolution du climat est reliée au taux de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et que ce taux s’élève inexorablement depuis le début de notre ère industrielle !

30 ans de forages, 800 000 ans de témoignages

D’autres forages suivront. A partir de 1991, toujours à Vostok, des nouveaux carottages révèlent 420 000 années de variations climatiques et montrent qu’au cours des âges, la température a évolué de 5°C, entraînant l’élévation du niveau des mers de 120 mètres ! En 1994, retour à Dôme C, où démarre le projet EPICA (European Project for Ice Coring  in Antarctica). Jamais on n’était remonté aussi loin dans le temps, atteignant 800 000 années d’archives glaciaires. Le forage réalisé en 2004 montre que l’atmosphère terrestre n’a jamais connu des teneurs en gaz à effet de serre aussi élevées.

Une partie de cette carotte de glace a été conservée, dans des conditions optimales, à -50°C sur Dôme C, pour réaliser de nouvelles mesures. Claude Lorius est ainsi assuré que sa mission se poursuit : « Quand j’ai découvert qu’en analysant les glaces de l’Antarctique l’on pouvait reconstruire le climat de la Terre et la composition de l’atmosphère à partir des bulles d’air qu’elles contiennent, je n’imaginais pas alors la rapide et inéluctable disparition des glaciers qui se passe sous nos yeux. Je remercie l’équipe de Grenoble de prendre la responsabilité de créer ce sanctuaire de carottes de glace pour les générations futures, avant qu’il ne soit trop tard. »

L’histoire n’est pas finie, puisque l’équipe européenne est en train d’installer un nouveau site, un peu plus au sud. Le forage EPICA+ devrait livrer d’autres témoignages précieux pour – espérons-le – tenter d’enrayer le changement climatique.

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